Identifier les arbres et les arbustes du Québec – Introduction
Pour identifier un arbre, il faut jouer les détectives et observer tous les éléments de son anatomie: les feuilles principalement, mais aussi le tronc, les fruits, les fleurs… On peut également se baser sur la connaissance de l’habitat privilégié de chaque espèce. Si vous savez par exemple qu’on ne trouve que des Peupliers faux-tremble dans la toundra, ça vous simplifie la tâche!
L’anatomie d’un arbre
Commençons par quelques notions d’anatomie. Pour identifier un arbre, on se base en premier lieu sur l’observation de quelques uns de ses attributs : feuilles, fleurs, fruits, tronc, branches, et son aspect global. Parfois, mordiller une branche peut aider. Par exemple, le Bouleau jaune goûte la menthe :) On utilise aussi le sens du toucher. Certaines feuilles sont poilues, d’autres lisses, rugueuses, très fines ou au contraire épaisses et cireuses. La couleur des feuilles à l’automne peut être également un indice supplémentaire.
Les feuilles
Feuilles simples et composées
Les feuilles d’un arbre se classent principalement dans deux catégories : feuilles simples ou composées. Les feuilles simples sont les feuilles les plus courantes. Elles sont en un seul bloc, avec plus ou moins d’échancrures (de sinus). Il y a le corps de la feuille (le limbe), et sa tige (le pétiole). Une feuille simple, c’est un limbe, et un pétiole. C’est tout simple! Certaines feuilles simples sont cependant fortement découpées et présentent plusieurs lobes très marqués, ce qui les rapprochent des feuilles composées (Chênes, Érables…).
Les feuilles composés posent plus de problèmes. De prime abord, une feuille composée ressemble à plusieurs feuilles simples sur une tige. Et il est important de savoir faire la distinction entre un groupe de feuilles simples et une feuille composée.
Normalement, à l’intersection d’un pétiole et d’une branche se trouve un petit bourgeon, dans un endroit qu’on appelle l’aisselle. Ce bourgeon axillaire permet de repérer le début de la feuille. Si ce qui vient après ressemble à une tige avec plusieurs feuilles, c’est en fait une seule feuille dite composée. Ce bourgeon donnera l’année suivante une nouvelle feuille, qu’elle soit simple ou composée.
Parfois, le bourgeon est très peu visible, ce qui rend la tâche plus difficile. Les différentes “feuilles” d’une feuille composée s’appellent des folioles. Et la tige d’une foliole s’appelle le pétiolule. Pas très utile pour la suite, mais avouez que le nom est rigolo! Dans le cas d’une feuille composée, on a donc un pétiole, avec un bourgeon à l’intersection avec la branche. Du pétiole central partent des pétiolules, qui donnent des folioles.
Pour vous aider un peu plus, vous pouvez remarquer qu’une feuille composée a tout de même une certaine unité visuelle. Toutes les folioles se ressemblent, elles sont sur le même plan, et si vous reliez les pointes entre elles, vous retrouvez une forme de feuille simple, celle qui existait avant que l’évolution ne pousse la feuille à se découper de plus en plus jusqu’à former des parties visuellement indépendantes. Vous remarquerez également qu’il y a un foliole à l’extrémité de la feuille. S’il s’agissait d’un rameau avec plusieurs feuilles simples, on y trouverait un bourgeon terminal qui permettrait au rameau de continuer sa croissance.
C’est un peu complexe, mais avec la pratique, vous deviendrez des pros des feuilles composées!
La suite va être beaucoup plus simple, promis.
Feuilles alternes et opposées
Alors là, c’est facile! Quand des feuilles sont dites opposées, cela signifie qu’elles sont disposées par paire, avec une feuille sur une branche, et une autre juste en face. On a donc des couples qui se suivent.
Les feuilles alternes sont disposées en alternance, jamais face à face. On a donc des feuilles célibataires qui se suivent.
Cordiformes, triangulée, lancéolée…
Les feuilles ont des formes très diverses. Certaines sont cordiformes (en forme de coeur), lancéolées (on forme de pointe de lance), spatulées, oblongues, etc… On verra tout ça détail avec les espèces pour lesquelles ces notions sont importantes. Le bord d’une feuille peut être lisse, denté, doublement denté, crénelé, ou lobé, comme chez le Chêne.
Les sinus
Quand une feuille a des lobes, des échancrures, des arrondis, on appelle les creux des sinus. Les feuilles d’érables ont des sinus plus ou moins profonds en fonction de l’espèce.
Les fruits et les fleurs
Il y a une très grande variété de types de fruits et de fleurs chez un arbre, et si on a la chance de se trouver au bon moment, ceux-ci peuvent grandement aider à reconnaître une arbre. Par exemple, les glands sont très différents entre un Chêne rouge et une Chêne bicolore.
Il y a une notion importante à connaître, pour l’identification des Érables notamment : celle des samares. Les samares sont les fruits munis d’une partie qui ressemble à une aile, et qui permet d’utiliser le vent pour emporter la précieuse cargaison. Dans le cas de l’Érable, ce sont les petits hélicoptères qui tombent de ces arbres en tournoyant. Ils sont très différents d’une espèce à l’autre, il est donc utile de connaître ce terme. Quand les samares sont liés deux à deux, on parle de disamares.
Le milieu de vie
Les domaines climaciques
Au Québec, il y a 10 zones de végétation réparties du sud au nord. On parle de “Domaines climaciques“. Vous en connaissez déjà certains, comme la toundra ou la taïga. Ils peuvent aider à identifier un arbre puisque certains arbres ne poussent que dans certains domaines. Globalement, cette distinction est surtout basée sur la température. Plus on monte vers le nord, plus il fait froid, et moins il y a d’espèces d’arbres susceptibles de pousser.
Montréal est située dans le domaine climacique de l’érablière à Caryer. C’est le plus chaud des 9 domaines, le dernier étant la toundra arctique. On parlera surtout du domaine qui nous concerne le plus, celui de Montréal.
Il faut savoir aussi que quand on passe d’un domaine à l’autre en allant du sud au nord, on ne rencontre aucune nouvelle espèce. On ne fait qu’en perdre. Ce qui signifie par déduction, que les 60 espèces d’arbres du Québec peuvent toutes se trouver dans notre zone de l’érablière à Caryer. Pour plus de précisions sur ces domaines, consultez cette page sur les zones de végétation de domaines bioclimatiques du Québec.
Les caractéristiques du milieu
D’autres facteurs entre en jeu. Certains arbres préfèrent les milieux humides, au bord d’une rivière, comme le Saule. D’autres se sentent mieux en zone sec à fort ensoleillement, comme le Chêne rouge. Chaque arbre a ses préférences, certains sont très stricts, d’autres sont moins regardants quant aux conditions de vie. Il peut être utile évidemment de connaître ces informations pour aider à identifier formellement un arbre.
Quelques conseils
Les arbres d’une même espèces sont parfois très différents. Tous les Érables à sucre n’ont pas exactement les mêmes feuilles, et il peut y avoir des variations locales. Même sur le même arbre, les feuilles peuvent être différentes en fonction de la zone. Gardez en tête aussi que les caractéristiques peuvent varier en fonction de l’âge! Et si l’arbre est vraiment vicieux, il peut être un hybride entre plusieurs espèces. Bref, vous l’aurez compris, parfois l’identification est évidente, mais souvent, on se trouve confronté à une énigme.
Pensez donc à observer plusieurs zones de l’arbre, regardez plusieurs feuilles, cherchez tous les indices à votre disposition, intéressez-vous au tronc, à l’allure général, aux tiges, aux fruits trouvés sur le sol, aux bourgeons, et mêmes aux maladies! Beaucoup d’entre elles sont spécifiques à une espèce, ce qui aide fortement à l’identification. Si malgré tout vous n’arrivez pas à identifier votre spécimen, il vous reste une solution. Prenez plusieurs photos des caractéristiques de l’arbre et envoyez-les au Comptoir de renseignements horticoles du Jardin Botanique de Montréal, et je suis sûr que vous aurez votre réponse.
Où trouver les 60 arbres du Québec ?
Certains arbres sont très courants, vous pouvez à coup sûr trouver des Érables à giguère dans la ruelle derrière chez vous. D’autres sont plus rares, voir très rares. Le Pin rigide par exemple, ne se trouve que dans une réserve interdite au public près de Saint-Antoine-Abbé, dans le Haut-Saint-Laurent.
Par chance, il est possible de voir la plupart de ces arbres au Jardin Botanique. Le Jardin des Premières Nations a été en effet conçu pour présenter toutes les espèces d’arbres et d’arbustes du Québec. C’est une zone du jardin qui n’a pas les faveurs du public, mais elle permet de se familiariser avec tout ce qu’on peut trouver en forêt.
Pour aller plus loin
Je vais uniquement aborder les espèces les plus communes, mais si vous vous prenez au jeu et souhaitez devenir incollable sur la végétation du Québec, je vous propose fortement cet ouvrage qui aborde également les fleurs.
Arbres et plantes forestières du Québec et des Maritimes de Michel Leboeuf
Voilà, très bientôt. nous commencerons notre exploration des forêts du Québec, j’espère que vous serez du voyage et que vous prendrez plaisir à apprendre à reconnaître les arbres et les arbustes de la belle province!